Dans une humanité qui se dit moderne et civilisée, les inégalités sociales ont été soulignées une fois de plus par la couleur des gilets jaunes dès 2018. L’année suivante, un petit virus « vu à la TV ! » a détourné l’attention de la population qui en a oublié ses préoccupations sociales.
En 2020 ce virus couronné d’une portée mondiale, a changé l’image de notre société. C’est la guerre ! Et rien à voir avec un combat aux frontières ni avec une lutte des classes. Nous bataillons contre un virus qui n’a que faire de notre situation dans l’échelle sociale. Notre peur de manquer d’argent et de nourriture est remplacée par la peur de mourir d’un virus (aussi réel qu’invisible). Ce nouvel ennemi commun pourrait balayer définitivement l’idée qu’il puisse y avoir des inégalités sociales. Alors que faire ? Prendre soin des autres ? De moi ? Ou de la vie ?
Existe-t-il une autre voie sans avoir à choisir entre moi ou les autres ? Y a-t-il un sentier pour prendre soin de la vie ? Cette vie dont je fais partie au même titre que chacun des autres éléments de l’univers. Prendre soin de soi peut paraître trop individualiste, surtout dans une société où le capitalisme profite justement de l’individualisation pour mieux régner, et augmenter les inégalités jusqu’à détruire l’environnement.
A l’heure où, le monde a besoin de solidarité, s’occuper de soi évoque le repli et la fuite. Cela serait vrai si l’on considère que l’on pourrait s’occuper uniquement de soi et vivre totalement isolé des autres. Mais l’humanité ne peut se passer de relations humaines ni du lien à l’environnement et à la nature créatrice de vie.
Comment oser prendre soin de soi alors que l’individualisme croissant semble avoir rompu tout espoir de retrouver un jour une cause commune aussi forte que celles qui portaient les bases des grandes avancées sociales. Ces dernières sont nées de combats collectifs et sanglants, justifiées par une légitime défense de la condition humaine. Les violences de 1789, les nombreuses luttes ouvrières d’après guerres, et les pavés de 1968 sont, de mémoire collective, des exemples de droits humains conquis par la force et la violence.
Et pourtant, quand j’écoutais les médias en 2018, il semblait que l’actualité autour des gilets jaunes dépeignait une violence sans précédent. J’ai du mal à saisir les raisons qui ont poussé les médias à cette analyse. S’agirait-il de l’une des 10 stratégies de manipulation des masses, décrites dans l’article suivant : http://radioeveil.com/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses/ ? A vrai dire, je n’en sais rien, mais je n’ai pas encore trouvé de réponse plus pertinente.
La quantité de sang réellement versé pour la prise de la bastille ou pour certaines luttes ouvrières était bien plus grande que pour les manifestations sociales de 2018 à 2019 en France. En évoquant la violence contemporaine, je parle autant des casseurs que de la réaction de certaines forces de l’ordre, ou de certains gilets jaunes. Je parle aussi des violences verbales (d’autant plus dangereuses) de certains politiques qui espèrent balayer le problème à coup de paroles tranchantes, ou par la simple ignorance des problèmes de fond.
Malgré la souffrance qui en découle, ces tensions ont à mes yeux le mérite de montrer que quelque chose souhaite évoluer. C’est l’occasion de se réveiller de notre quotidien soporifique, pour grandir un peu plus chaque jour de nos expériences, et construire l’évolution d’une humanité en éveil.
Alors prendre soin de l’un donne l’impression de ne pas prendre soin de l’autre. Mais en considérant que tout est relié et que nous sommes une partie indivisible de la société, alors prendre soin de soi nous conduit à prendre soin des autres, et prendre soin des autres nécessite de prendre soin de soi. Au lieu de savoir de qui je dois prendre soin, je peux simplement reconnaître les raisons qui me poussent à agir, pour découvrir de nouvelles manières de prendre soin. Est-ce pour combler un vide, une peur, pour tenter d’exister aux yeux des autres ?
Je crois qu’au-delà de ces questions, on prendra soin de la vie qui est à la fois en nous et à l’extérieur de nous. Alors nos actions seront dignes de notre humanité. Alors, nous n’agirons plus pour nous ou les autres, mais pour la vie. Si tant est que nous puissions en prendre conscience, car sans cela, nous pourrions passer à côté de notre propre vie.
En prenant la bastille, le peuple a éliminé la noblesse et laissé place à la bourgeoisie au pouvoir financier grandissant. Ce fut une évolution des droits de l’Homme, et une amélioration du niveau de vie de la population. L’économie a peu à peu pris le relais pour dicter ses lois à la place de la bourgeoisie et au détriment de : la cause sociale, l’environnement naturel si riche, et la diversité planétaire.
Alors les gilets jaunes ont demandé la démission du président. Cet ex banquier qui aurait surtout regardé les finances et les intérêts des actionnaires avant de regarder le niveau social du pays. L’actualité n’est guère plus qu’une guerre de plus. Mais de conflits en conflits, j’ai l’impression que cette fois-ci on n’en sortira pas de la même manière que par le passé avec sa force collective extérieur.
« …Pour instaurer la paix dans le monde, pour mettre fin à toutes les guerres, il faut une révolution dans l’individu, en vous et moi. Une révolution économique sans cette révolution intérieure n’aurait pas de sens, car la faim est la conséquence d’une perturbation économique causée par nos états psychologiques, l’avidité, l’envie, la volonté de nuire, le sens possessif.
Pour mettre un terme aux tourments de la faim et des guerres il faut une révolution psychologique et peu d’entre nous acceptent de voir ce fait en face. Nous discuterons de paix, de plans, nous créerons de nouvelles ligues, des Nations-Unies indéfiniment, mais nous n’instaurerons pas la paix, parce que nous ne renoncerons pas à nos situations, à notre autorité, à notre argent, à nos possessions, à nos vies stupides. Compter sur les autres est totalement futile ; les autres ne peuvent pas nous apporter la paix. Aucun chef politique ne nous donnera la paix, aucun gouvernement, aucune armée, aucun pays. Ce qui apportera la paix ce sera une transformation intérieure qui nous conduira à une action extérieure.
Cette transformation intérieure n’est pas un isolement, un recul devant l’action. Au contraire, il ne peut y avoir d’action effective que lorsque la pensée est claire, et il n’y a pas de pensée claire sans connaissance de soi. Sans connaissance de soi, il n’y a pas de paix… »
(de J. Krishnamurti dans La première et dernière liberté).
Il serait trop facile de se tourner vers sois en se coupant de notre environnement. Ce texte invite au contraire à agir sur l’extérieur en agissant en premier lieu sur nous-même. Et « premier lieu », ne veut pas dire qu’il faut en rester là…. Ce n’est qu’une condition nécessaire pour la suite.
Pour ma part, si j’ai choisi le nom de « Prends Soin De Toi » pour cette activité artistique, c’est pour ne jamais oublier que parfois : si l’on prend soin des autres avant de prendre soin de sois et si en plus de cela, on le fait inconsciemment dans le but d’être vu par les autres, alors on a de grandes chances que l’aide qu’on apporte aux autres ne soit pas celle dont ils ont réellement besoin. Cela me rappelle, que je peux observer les raisons profondes qui animent mes actions. Que je peux tenter de connaître du mieux possible la pertinence des raisons qui guident mes actions, car c’est bien de cela dont je dois prendre soin avant d’agir de quelque manière que ce soit sur mon univers.